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INTERVIEWS

INTERVIEW DE ROSA MARIA MAUCERI, RÉALISATRICE, SCÉNARISTE ET PRODUCTRICE DE "A STOLEN TRUTH"




INTERVIEW



Rosa Maria Mauceri, bonjour ! Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui. Tout d’abord, nous souhaitons vous féliciter chaleureusement d’avoir mis à l’écran un récit de vie aussi fort et poignant et dont le titre est si révélateur d’une incroyable épreuve humaine et d’une histoire de femmes réduites au silence par un homme, un pays et aussi une époque peut-être. Combien de temps sépare le roman du film et comment avez-vous décidé de réaliser ce film-témoignage ?



Tout d’abord, je vous remercie de m'avoir choisie et de m'avoir nominée dans les catégories "Best Female Director Short Film” & "Best Biographical Short Film", mais surtout d'avoir prêté une attention méticuleuse à cette histoire qui malheureusement est bien réelle.

Aujourd’hui je suis honorée d’être « Lauréate » pour ces catégories dans l'édition d’octobre 2022.

La fondatrice – Karolina Bomba, a créé un festival qui n'est pas seulement étoilé mais qui donne un espace à des voix comme la mienne. Qui s'exprime à travers mon roman et mon film. Et pour répondre à votre question, le roman a été publié en juin 2020 et précisément un an plus tard, nous tournions les scènes du film en Sicile sur les lieux où s’est déroulée l’histoire.


La Première de notre film a eu lieu en juillet 2021 à Milo, un village au pied de l'Etna, rendu célèbre par des grands artistes tels que Franco Battiato et Lucio Dalla.

J'ai ressenti le besoin de mettre en images ce que j'avais écrit, car tout d'abord, pendant le temps que j'ai passé à écrire, en tapant le texte sur le clavier de mon ordinateur, les images étaient sans cesse présentes dans mon esprit. Mon point de départ, ce furent les lieux, les personnes, les événements qui créaient souvent un fort malaise en moi. Devoir pour cela revivre les violences que maman, nous, les enfants, avons subies n'a pas été facile. Mais cette étape était nécessaire.


Surtout après avoir découvert l'existence d'une autre sœur, dont je porte le nom.

J'ai utilisé l'art, je me le suis approprié parce que c'était la seule possibilité pour moi pour pouvoir raconter les faits réels avec les documents authentiques, et espérer que notre sœur puisse se reconnaitre à travers le roman et le film, à travers nous. Le but est de diffuser mon Appel le plus possible car c'est ainsi que je le ressens : c’est pour moi un APPEL.





Vous avez réalisé une reconstruction méticuleuse et pas à pas des « faits qui ont eu lieu et des faits qui n’ont pas eu lieu » et réussissez à « faire participer le spectateur », ce pour quoi vous méritez d’être saluée. Quel âge aviez-vous lorsque vous avez découvert ce mensonge, et cette vérité et souhaitez-vous nous raconter l’impact personnel de cette découverte ?


Merci pour ce compliment et merci encore pour votre sens du détail.

J'ai découvert l'existence de ma sœur il y a environ 20 ans, lors d’une conversation que ma mère et moi nous avons eue.

Je pensais qu'on m'appelait « Rosa » parce que c'était le nom de ma grand-mère, mais ce prénom était destiné à ma sœur, née quelques années avant moi, laquelle pour ma mère était morte.


Je sentais que quelque chose ne collait pas dans le récit de maman, mais surtout je sentais que cet immonde « Individu », mon père biologique, avait joué un rôle dans cela ! Cet homme-là, je ne l'ai jamais appelé « père » dans mon roman, mais « l'Individu ».

Il n'est pas facile de discerner les faits qui ont réellement eu lieu de ceux qui n’ont pas eu lieu. Surtout pour expliquer ce que signifient les faits qui ne se sont pas produits, car ils sont avant tout faux. Les faits inventés s’agglomèrent en une vaste tromperie, d'abord envers ma mère et plus tard aussi envers nous, frères et sœurs.


Pour ce faire, il était nécessaire de publier tous les documents officiels, y compris la déclaration d'un tribunal validant la naissance. Celle-ci ne fait pas du tout état d’un décès ! Donc, tout ce que j'ai obtenu au cours de mon enquête a été relaté d'abord par moi-même, puis plus tard à travers les médias. Grâce à ceci, j'ai appris à connaître de nombreuses personnes adoptées et, en me faisant passer pour l'une d'entre elles, j'ai pu clarifier certaines questions.


Après avoir eu plusieurs faux documents entre les mains, j'ai décidé de les dénoncer. J'ai déposé moi-même une plainte au poste de police. J'ai également continué l'enquête avec un policier. Son uniforme s’est certainement révélé beaucoup plus efficace que ma seule personne ! Finalement, nous avons tout déposé au bureau du procureur de Catane. Il s’agit du Procureur que l’on voit dans le film.

Je dois dire l’émotion que j’ai ressentie en gravissant les escaliers qui mènent au tribunal : on y trouve les profils peints de Falcone et de Borsellino, deux magistrats qui symbolisent la Vérité et la Justice.



Comment votre mère, toujours de ce monde, a-t-elle reçu ou soutenu votre décision de réaliser « A stolen truth » (« Vérité volée ») ?


Ma mère est une femme courageuse. Elle l'a déjà prouvé par le passé. La scène où elle fuit avec ses quatre enfants entre les voies ferrées le démontre à elle seule...

J'ai toujours été un point de référence pour elle, sa revanche. Je suis pour elle celle qui l'a honorée. Sans ses récits, je n'aurais pas pu écrire « Une vérité volée ».

À la veille du tournage, je l'ai convaincue et je l’ai intégrée à mon film. Elle ne voulait pas parler et je ne l'ai pas non plus forcée. Mais il était essentiel qu'elle soit présente, car peut-être notre sœur Rosa Antonina lui ressemble-t-elle. Pour les dialogues, j'ai donc opté pour une « voix off ». Cela restait quand-même étrange pour moi d'entendre cette voix, qui n'est pas celle de ma mère. Mais nous avons fait un excellent travail en post-édition par la suite.





Le film pose-t-il selon vous la question de la transparence et de la reddition de compte des autorités responsables de la collecte et de la gestion des registres d’état civil en Sicile ?


Absolument, j'ai pu constater que les documents n'ont pas été établis chronologiquement, ni même enregistrés et retranscrits. On ne meurt pas d’abord, pour ensuite naître. On vient au monde. Qu'en pensez-vous ? Ai-je tort de penser cela ? Nous avons tous un certificat de naissance avant tout, et un certificat de décès, document que nous ne verrons jamais !



Votre sœur Rosa Antonina a été transportée depuis l’hôpital d’Acireale à l’hôpital de Catane. Avez-vous à un moment donné pu savoir quel a été réellement le rôle de votre géniteur dans cette opération et dans l’échange de votre sœur contre un bébé décédé à l’hôpital Vittorio Emanuele ?


Quand je parle de faits qui n’ont pas eu lieu, qui ne se sont pas produits, c’est exactement à ces « faits » précis que je me réfère. Comment Rosa Antonina est-elle morte à l'hôpital Vittorio Emanuele dans un autre établissement à 8 heures du matin alors que l'hôpital était à plusieurs kilomètres et que les routes n'étaient pas pavées comme aujourd'hui pour permettre de circuler ? Et vous croyez vraiment que si un bébé a de graves problèmes de santé, on le met dans les bras d'un père et on lui demande de transporter le nourrisson en souffrance dans un taxi ? C’est pour cette raison qu’il était important que j'illustre des scènes d'événements qui, pour moi, ne pouvaient PAS être réels, qui ne peuvent pas avoir eu lieu ! Pour ce faire, j'ai vérifié de nombreux détails, par exemple celui de « l’ambulance ». Une ambulance existait en 1968 à l'hôpital où ma sœur est née. Alors pourquoi n’a-t-elle pas été utilisée ?





Le film pose la question du statut des femmes en Sicile, des années 1960 à aujourd’hui, et de la violence masculine. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?


Nous parlons d'une Sicile rétro des années 1960, bien que des histoires similaires de femmes qui n'ont pas grand-chose à dire existent encore aujourd'hui. Je crois que ça a à voir avec l’unité de la cellule familiale et avec le milieu social. L'éducation commence dès la naissance d'un enfant, on détermine comment l’éduquer si c’est une fille ou un garçon. A cette époque, le destin des enfants était « presque », j’oserais dire, déjà écrit. Heureusement, ce n'est pas le cas pour tout le monde et plus aujourd’hui. Nous avons évolué.


Je dis cela à toutes les femmes, aux jeunes, mais aussi aux hommes, parce qu'ils subissent eux aussi des violences psychologiques. Je leur demande de ne pas avoir honte d'avoir été des victimes. Car c'est ce qui les empêche souvent de dénoncer la violence, d'élever la voix. La honte de ce que les autres vont penser de nous. Au contraire, il faut y mettre du sien, ne pas ressentir de gêne, comme je l'ai fait dans mon roman. J'ai parlé des abus que j'ai subis, des brimades à l'école quand j'étais jeune et de la violence subie dans ma famille.




Le père biologique de Rosa aurait déclaré à l’officier de police chargé d’enquêter sur sa disparition « cherchez-la à Ragusa, elle est en vie ». Vous avez déclaré que vous ne cesserez vos recherches « jusqu’à ce que vous puissiez la serrer dans vos bras. » Avez-vous obtenu quelques résultats depuis le lancement du film ?


Ce n'est pas mon père biologique qui l'a déclarée aux autorités.

C’est nous, ma sœur aînée, Lucia. Elle avait enregistré certaines conversations téléphoniques qu'ils avaient eues en 2019. Elle l’a interrogé sur Rosa Antonina, elle voulait en savoir plus et lui, « l’individu », a déclaré ce que vous avez écrit. Ces conversations ont ensuite été racontées au sous-officier qui a mené l'enquête et incluses dans le rapport que nous avons déposé auprès du parquet de Catane.


Je crois cependant qu'il ne sait pas où notre sœur Rosa Antonina a abouti. Mais qu'un échange a eu lieu, peut-être avec un bébé déjà mort ou peut-être contre une somme d'argent. Je précise bien sûr qu’il s’agit-là de mon opinion... chacun peut se faire sa propre opinion des « faits qui ont eu lieu et des faits qui n’ont pas eu lieu » tels que je les ai présentés.


Il y a une scène importante, celle des « commères » qui, au lieu de demander à Filippa pourquoi elle est rentrée de l’hôpital sans son bébé, ont préféré faire des commérages et s'enfermer dans leurs quatre murs. Malheureusement, aujourd'hui encore, beaucoup savent et ne parlent pas. Les endroits où nous avons filmé sont authentiques, il s'agit des petites maisons d’un quartier. Celui que maman quitte pour se rendre à l'hôpital le 30.06.1968 à Santa Venerina. Aujourd’hui ce quartier est encore habité.


De nouveaux éléments ont été ajoutés grâce à des personnes formidables qui m'ont aidée. Je dirais que nous sommes proches de la « Vérité », je ne peux pas ajouter grand-chose pour ne pas perdre le fil de ce qui se déroule actuellement.

Je voudrais conclure en disant à Rosa Antonina ces phrases écrites sur une page Facebook il y a quelques jours :

Même si je sais que tu me suis....

Même si je sais que tu penses me contacter ...

Je sais que ce sera difficile…

Mais tout a un sens ... rien n'est le fruit du hasard.

Seul le Seigneur pourra décider quand le moment sera venu pour nous de nous rencontrer... et de nous embrasser très fort, car c’est ce que nous méritons toutes les deux... ❤️.

Ma chère "Vérité", je ne te veux que du bien,


Avec toute mon affection...

Rosa Maria




BIO

Rosa Maria Mauceri





Scénariste, réalisatrice, productrice, actrice, écrivaine, conférencière.


« Mon côté artistique m’accompagne depuis mon enfance, lorsque j’ai pris l'habitude d'observer mon environnement jusqu'au point d'imaginer un autre monde dont je faisais partie, malgré moi.

Dès que j'ai eu l'occasion d’exprimer ma créativité, j'ai écrit des textes publicitaires pour plusieurs clients, dès l'âge de dix-neuf ans.

J'ai également prêté ma voix pour les services radiophoniques et la télévision.

Enfin, j'ai réalisé la voix du doublage d’une bande-annonce pour enfants : « Hello Kitty », en version française et italienne, disponible sur YouTube ».


Une vérité volée


L'urgence des faits, malheureusement réels, m’a conduite à réaliser en juillet 2021 un court-métrage intitulé « Une vérité volée », extrait de mon roman du même nom. J'ai réalisé la production, la mise en scène, les costumes, et ai joué mon propre personnage.

Je ne m'attendais pas à un succès, ni aux récompenses reçues dans le cadre des prix internationaux, tant pour le roman que pour le court-métrage.

Je prépare un long métrage, pour lequel j'ai déjà organisé un premier casting et les sélections.


Mon stylo était destiné à revenir entre mes mains, et c'est ainsi que, après tant de péripéties, j’ai commencé à élever la voix de cette façon, en noircissant des pages de mon cahier-version nouvelles technologies, le clavier de mon ordinateur me servant d’instrument de musique pour donner écho aux mots, des mots qui crient en entrant en contact avec mon clavier.

J’ai fait mes débuts en tant qu'écrivaine en 2020 avec le roman « Une vérité volée : une histoire à haute voix ». Toujours en 2020, le texte a été traduit en allemand et en anglais.

Le livre a été distribué via Amazon en livre broché, e-book et audio-book en italien, enregistré avec ma propre voix.


Projets futurs


Mon prochain roman à paraître a pour sujet ma mère ; c’est une biographie qu'il est très important de lire, pour comprendre encore mieux ce qu’a été « Une vérité volée »

Le livre s’intitule : L'enfer avant la tromperie.

Ce sera également un long-métrage.






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