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INTERVIEWS

INTERVIEW DE J. M. STELLY, SCÉNARISTE, RÉALISATEUR ET PRODUCTEUR DE "CALL OF THE VOID"

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J. M. Stelly, merci de nous recevoir ! Félicitations pour nous avoir offert une fenêtre aussi saisissante sur les ténèbres. Dans votre déclaration de réalisateur, vous dites : « Je me suis toujours donné pour mission de faire des films qui suscitent la réflexion. Parfois linéaires, parfois décentrées, j'aime raconter des histoires sur la condition humaine et la souffrance extérieure et intérieure. J'ai passé des années à peaufiner mon approche et mes méthodes de narration, et même si je sais que mon travail n'est pas destiné à tout le monde, je sais qu'il attire les bons yeux, ceux qui savent regarder. » Pourriez-vous préciser ce qu'il faut pour avoir les « bons yeux » ou les « yeux qu’il faut » selon vous ?


Je pense qu'en général, les « bons yeux » ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui seraient attirés par des films davantage destinés au grand public. Mes films ont tendance à se concentrer sur des sujets plus lugubres. J'ai grandi avec les œuvres de Lynch, Carpenter, Kubrick, Fincher et Cronenberg. Ce sont les réalisateurs qui m'ont le plus marqué lorsque j'étais enfant, et encore plus à l’âge adulte. Lorsque je réalise un film, ce n'est pas pour gagner de l'argent, mais plutôt pour purger quelque chose en moi. Ce faisant, je repousse presque toujours certaines personnes et j'en attire d'autres. Je ne pense pas que cela corresponde à une quelconque exigence, mais plutôt à un goût pour certains types de films et d'histoires qui conviennent particulièrement aux yeux de ceux qui gravitent autour de mon art.







La façon dont vous utilisez l'éclairage est tout simplement incroyable. Il est intéressant de noter que vous utilisez également des effets du muet tels que les cartons des titres des scènes et les voix off. Vous dites avoir été « inspiré par les films du passé et l'expressionnisme allemand ». Robert Wiene vous a-t-il inspiré, et peut-être Le Cabinet du Dr Caligari (1920) en particulier, sachant qu'il se déroule pendant la Première Guerre mondiale ? Nous supposons que de nombreux « films du passé » ont inspiré votre façon de transmettre visuellement la narration et les émotions. Pourriez-vous nous en citer quelques-uns ? Par exemple, avons-nous raison de voir ici une référence apparente à Franju et notamment Les yeux sans visages, pour la scène de la séance de spiritisme avec le masque blanc ?


Merci pour vos aimables paroles. Bien que j'aie grandi en regardant des films comme Le Cabinet du Dr Caligari ou Les Yeux sans visage, mes choix concernant la façon dont le film a été filmé et l'éclairage utilisé sont plus ou moins sortis de ma tête et ont été inspirés par notre environnement. Je dirais que le cinéma muet, et en particulier ces films-là, a joué un rôle important dans l'inspiration qui m'a conduit à réaliser un film muet. J'avais déjà travaillé sur un court métrage muet intitulé The Doctor's Apprentice pour un festival de 48 heures à la Nouvelle-Orléans et j'ai toujours voulu faire un long métrage de SF en n'utilisant que la lumière des bougies. Je pense que les films muets ont quelque chose d'unique que la plupart des gens n'ont pas l'occasion d'apprécier aujourd'hui. On ne peut pas se contenter de les regarder comme si c’était un bruit de fond, il faut prendre le temps de voir avec d’autres yeux et d'absorber ce que l'on voit. Surtout quand le sujet est aussi profond que celui-ci.





Nous avons trouvé des références visuelles à la mythologie nordique et à The Game of Thrones! Nous voyons aussi une allusion à la littérature gothique, voire au seul roman gothique d'Oscar Wilde, The Picture of Dorian Gray, plus précisément dans la réplique « Je suis le reflet de votre passé et de votre avenir », sans parler des spectres successifs qui apparaissent dans A Christmas Tale de Dickens. Qu’en pensez-vous ?


J'ai toujours pensé que les gens extrapolent à leur guise à partir de l'art. Je n'aborde jamais un projet en ayant à l'esprit des références littéraires ou artistiques. Je n'essaie pas non plus de voler des plans d'autres œuvres d'art en guise d'hommage. Cependant, c'est toujours agréable quand les gens perçoivent des références classiques dans mon travail. C'est flatteur. Il y a infiniment de références occultes et des significations cachées dans le film. Je voulais un film où l'on voit de nouvelles choses à chaque fois qu'on le regarde et qu’on explore le matériel qu’il contient.



À propos de votre chapitre intitulé The persistence of Darkness (La persistance des ténèbres), nous sommes tenté·e·s d'établir un parallèle avec Au cœur des ténèbres de Conrad, qui a inspiré Apocalypse Now de Coppola, au sujet de votre traitement troublant des ténèbres potentiellement inhérentes à tous les cœurs humains. Votre film traite-t-il peut-être d'une apocalypse de la vie ?


Le film lui-même traite beaucoup de l'acceptation de soi. Entre la dépendance, la douleur, l'obscurité et la nature subjective de la mort. Les humains parlent souvent de la fin du monde sans se rendre compte que le monde subsistera alors que nous mourrons tous. La mort est une absolution. Le vide dans le film est quelque chose qui vit en chacun de nous. Les ténèbres, elles, nous parlent tous les jours et nous interpellent d'une certaine manière. Dans Call of the Void, le peintre est mort dès le début, coincé entre la vie et la mort. Essentiellement dans le purgatoire. Dans ce purgatoire, il est forcé d'accepter sa défaite et de découvrir la vérité, tandis que le Vide, l'obscurité, le pousse à se percevoir lui-même au sein de ce chaos. Il n'y a pas de lumière, pas de Dieu, pas de paradis ni d'enfer. Il n'y a que l'éternelle solitude qui accompagne la prise de conscience. Une fois que l'on a accepté cela, on est libre, on peut s’auto-absoudre et aller de l'avant. Le pardon est pour ainsi dire la « lumière » elle-même.








Le personnage principal est aux prises avec une dépendance à l'opium. Mais nous ne savons pas si la poursuite du dragon est une conséquence de la folie ou de la peur – « Je ressens une peur que je n'ai pas ressentie depuis la guerre ; elle est aveuglante » - ou la cause de la montée de la folie – « L'opium a-t-il totalement déformé la perception de ma santé mentale ? » -. Il s'agit bien d'un cercle vicieux. Le personnage du peintre est-il comparable à celui de Johnny Depp dans From Hell ?


C'est amusant que vous mentionniez cela. From Hell et le personnage de l'inspecteur Abberline ont toujours été une source d'inspiration pour certains de mes personnages et leurs motivations. Mon personnage dans The Demonologist a été fortement inspiré par cette performance dans la version originale. Pour le rôle de The Painter, je me suis inspiré de beaucoup de choses que j'ai observées chez des amis et des membres de ma famille qui souffraient de toxicomanie, tandis que le symbole de l'Ouroboros était censé ressembler à la lutte éternelle du temps qui se répète. Le dragon est à la fois une représentation de la dépendance et de la souffrance, ainsi que de la rémanence éternelle du vide.



Call of the Void est aussi une immersion dans l'inconscient. Votre travail est très introspectif et les taches d'encre de Rorschach sont présentes dans presque tous les tableaux vers la fin. Pourriez-vous nous éclairer sur l'utilisation du test psychologique projectif de Rorschach ?


J'ai toujours été intrigué par la nature des tests de Rorschach, par l'idée que l'on peut avoir un aperçu de l'état d'esprit psychologique d'une personne par ce qu'elle voit dans l'abstraction d'un Rorschach. Dans le film, le peintre voit un certain nombre d'entre eux comme un moyen de faire face à sa propre mortalité et à l'inévitabilité de la mort. En même temps, le public peut déduire ses propres pensées de ce qu'il voit dans les mêmes taches d'encre que le Peintre.



Votre travail est un « regard profond sur les ravages de l'obscurité intérieure et la solitude à laquelle nous sommes confrontés en l'absence de notre lumière intérieure ». Avons-nous raison de penser que votre film est un appel à trouver cette lumière intérieure, en fin de compte ?


Absolument. Je pense que chacun a besoin d'accepter ses propres zones d’ombre afin de découvrir la lumière qui lui permettra de se libérer de ses propres blessures internes. Ce film a certainement beaucoup à voir avec mes propres zones d’obscurité et la façon dont j'ai choisi d'utiliser l'art pour peindre une image de cette noirceur à travers la vie du Peintre.



Avez-vous des projets à venir à partager ?


J'ai deux autres films que j'ai terminés à peu près en même temps que Call of the Void. L'un s'appelle ABACUS et l'autre THEY ARE WATCHING. Actuellement, je suis donc à la recherche d’un distributeur pour ces films. J'ai trois autres films en projet et j'espère les tourner cette année.



Quelle est votre vision du cinéma post-Covid ?


Je pense que bien avant le COVID, les services de streaming et la fourniture de films en direct aux consommateurs étaient déjà des formules en développement. Alors que les cinémas continuent de répondre aux besoins des studios, je pense que ce serait un véritable changement si on permettait un accès plus facile à la distribution en salle pour les studios et les cinéastes indépendants afin de générer davantage de bénéfices et d'élargir le public. Les projections en salle sont la principale ambition des cinéastes, qui souhaitent avant tout que leur art soit vu et, maintenant que nous sortons d'une pandémie, quelle meilleure façon de célébrer le cinéma que de permettre aux salles de cinéma de faciliter et d'améliorer la diffusion des œuvres des cinéastes indépendants sur le grand écran ?



BIO

J. M. Stelly

Écrivain/Metteur en scène/Cinéaste/Producteur/Compositeur/Éditeur





J. M. Stelly est un réalisateur originaire de Baton Rouge, en Louisiane (États-Unis). Stelly a réalisé son premier film, Within Madness, en 2009. Le film a subi des années de montage et d'ajouts de séquences avant d'être distribué aux États-Unis uniquement par LC Films. Stelly a également travaillé avec Warner Music et un certain nombre d'artistes sur des vidéos musicales pour DOWN, COC, To Kill a Party et Jason Martin, pour n'en citer que quelques-uns. Stelly a réalisé un certain nombre de courts métrages. C’est « The Prologue », présenté par la Crypt TV d'Eli Roth, qui a été le plus remarqué. En 2019, J. M. Stelly a mis à l’écran « The Demonologist », son plus grand film à ce jour, sur Uncork'd. Il a récemment achevé trois longs métrages : ABACUS, THEY ARE WATCHING et CALL OF THE VOID. Ce dernier a remporté 13 prix à ce jour.




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